
La calligraphie arabe s'est développée très tôt, dès la mise par écrit des premiers manuscrits du Coran au milieu du VIIe siècle. Elle a pris une importance particulière en raison de la méfiance, plus ou moins observée selon les époques et les régions, envers la représentation figurative des êtres animés, en particulier du prophète Mohammed. Là où les églises chrétiennes se couvrent de peintures et de sculptures, les mosquées mettent en valeur des versets coraniques et des formules pieuses, tracés avec un soin extrême. La calligraphie devient ainsi à la fois un art visuel et un acte de dévotion.
Au fil des siècles, le texte sacré, les noms de Dieu, les paroles prophétiques et les sentences morales se sont inscrits sur les murs des mosquées, les coupoles, les minbars, les manuscrits, les objets du quotidien ou les textiles. La calligraphie arabe ne se limite donc pas aux livres, elle imprègne l'espace architectural et la vie de tous les jours dans le monde islamique.
Parmi les formes les plus anciennes figure le style hijazi, originaire de la région du Hedjaz, en Arabie. Il se caractérise par des lettres allongées et des verticales légèrement inclinées vers la droite. Les plus anciens fragments coraniques conservés à la Bibliothèque nationale de France ou à la British Library sont écrits dans ce style sobre et encore peu standardisé.
Un peu plus tard apparaît le style coufique, nommé d'après la ville de Koufa. Le coufique se distingue par ses formes anguleuses, sa structure souvent horizontale et son aspect très graphique. Il devient rapidement privilégié pour les inscriptions monumentales et les premiers Corans de luxe. À partir de ce noyau se développent diverses variantes, comme le coufique fleuri, où les lettres se mêlent à des rinceaux végétaux, ou le coufique géométrique, construit sur des trames rigoureuses de lignes droites et d'angles droits.
Selon la tradition, le vizir de Bagdad Ibn Muqla (886–940) joue un rôle décisif dans la codification de la calligraphie. Il définit des règles de proportion basées sur la largeur de la pointe du calame, ce qui permet d’harmoniser les lettres et de fixer un système cohérent pour plusieurs styles. On retient alors six grandes écritures dites canoniques.
Le naskhi, littéralement « de copiste », devient le style privilégié pour la copie des ouvrages et, plus tard, pour l'impression des textes en caractères arabes. Il est lisible, fluide et adapté aux longues lectures. Le thuluth, littéralement « un tiers », se reconnaît à ses lettres élégantes, aux hampe longues et aux courbes amples, très apprécié pour les inscriptions monumentales et les titres. Le rayhani, « du basilic », dérive du naskhi mais avec des formes plus fines et raffinées.
Le muhaqqaq, « résolu », se caractérise par des lettres puissantes et majestueuses, bien qu'il soit plus rare aujourd'hui. Le riqa est une écriture plus cursive, rapide, peu utilisée pour l’ornement mais très présente dans l’écriture courante et l’administratif. Le tawqi, utilisé à l’origine pour les signatures officielles et certains documents d’autorité, joue sur des lettres compactes et très liées.
À partir de ces bases, d’autres styles apparaissent, souvent liés à des régions ou des contextes particuliers. Le nastaliq, élaboré à la fin du XIVe siècle, probablement par le calligraphe persan Mir Ali Tabrizi, devient l’écriture élégante par excellence dans le monde iranien, turc et indo-musulman. Ses mots semblent suspendus, comme accrochés à une ligne oblique, ce qui lui vaut son surnom d’écriture « suspendue ». Il est très associé à la poésie persane et aux manuscrits illustrés.
Plusieurs écritures plus spécialisées se développent également. Le ghubar, littéralement « poussière », est une écriture miniature, utilisée pour des textes très fins, parfois sur des objets ou des talismans. Le makus joue sur l’effet de miroir, en inversant ou en symétrisant les formes. L’écriture shatranji, dite « d’échiquier », découpe la page en modules carrés ou rectangulaires où les lettres composent des motifs géométriques.
Le shikasta, « brisée », constitue une forme cursive et très rapide du nastaliq, peu diacritée, utilisée surtout pour la correspondance. Le style tughray, avec ses verticales exagérément allongées et ses enchevêtrements complexes, est associé aux tughra ottomanes, ces grandes signatures calligraphiées des sultans qui figuraient sur les firmans, monnaies et documents officiels.
L’instrument principal de la calligraphie arabe est le calame, taillé dans un roseau ou dans un bambou. L’extrémité est coupée en biseau à un angle précis, puis fendue pour permettre une bonne circulation de l’encre. La largeur de la pointe détermine l’épaisseur des traits, et chaque style exige un type de taille spécifique. Un calligraphe possède donc plusieurs calames, taillés de manières différentes pour les petites, moyennes ou grandes écritures.
Le canif sert à retailler régulièrement la pointe du calame afin de conserver des lignes nettes et des proportions constantes. L’encre, souvent composée de noir de fumée et de liants naturels, est préparée avec soin. Au fond de l’encrier, une bourre de soie ou de laine absorbe l’encre et permet d’imprégner la pointe du calame sans excès. Le papier ou le parchemin peuvent être polis et parfois légèrement teintés pour mettre en valeur le contraste entre le support et l’écriture.
La formation d’un calligraphe repose sur la copie patiente des modèles et sur l’obtention d’un ijaza, une autorisation écrite délivrée par un maître, qui atteste qu’un élève maîtrise un style donné. La calligraphie arabe reste ainsi un art vivant, transmis de génération en génération, à la croisée du geste, de la discipline et de la spiritualité.